Projet fédéral

QUELLE LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DU CHER EN 2025 ?

La crise économique, sociale et démocratique perdure depuis des années. Les gouvernements de droite et de gauche passent, elle demeure. Conséquence : une société française de plus en plus fracturée, éruptive. Le fossé des inégalités se creuse, la pauvreté grandit, le mal logement s’aggrave, la fracture numérique pèse de manière croissante. Le modèle d’un capitalisme financier débridé à bout de souffle, d’une économie ultra mondialisée, d’une société de surconsommation et de satisfaction immédiate ne saurait répondre à l’urgence écologique. Les revendications de toute nature des minorités, aussi justes que certaines puissent être, prennent la forme de repli identitaire, voire de séparatisme, mettant à mal le fondement universaliste de la nation française et sa laïcité.

La crise ouverte par la pandémie a renforcé cette situation d’inégalités et de tension, en a montré si besoin en était l’ampleur. Mais elle a aussi été un accélérateur de prises de conscience et de changements : les réflexions naissent questionnant les modes de vie, les choix politiques ; les mentalités changent ; certains, dans les nouvelles générations bougent, cherchent de nouveaux modèles de socialisation, de démocratie locale, lancent des micro-projets pour une vie différente, s’organisent ; de nouvelles solidarités émergent.

Si notre département du Cher n’échappe pas à ces tendances nationales, il a ses spécificités : sa ruralité générant l’isolement, d’autant que les services publics tendent à y disparaître, renforçant certaines de ces fractures (sociale, numérique, médicale, de mobilité …). Mais cette ruralité peut être aussi un atout : attirance de nouveaux ruraux pour sa qualité de vie, émergence d’expériences nouvelles de vie collective dans des villages, mise en valeur du patrimoine culturel et foisonnement de nouveaux projets d’artistes et d’habitants, ici et maintenant, etc.

Prenant en compte ce contexte, La Ligue de l’enseignement du Cher-FOL, attachée à une transformation sociale, s’appliquera à répondre aux besoins grandissants, à réduire les fractures, raviver le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, à accompagner les élans naissants pour faire autrement, participer aux réflexions, encourager l’action collective et le fait associatif : « REFAIRE SOCIETE » par l’éducation populaire.

Comment ?

C’est l’objet de ce texte d’orientation « Quelle Ligue de l’enseignement du Cher en 2025 ? »

Son défi : maintenir son indépendance, développer sa capacité d’autonomie et d’initiative, alors même que son développement la conduit à être de plus en plus dépendante des politiques et financements publics.

Les quatre orientations, qui suivent, ouvrent des pistes pour dépasser ce paradoxe et affirmer son projet politique.

Porter le projet de l’éducation populaire

L’éducation populaire, c’est notre ADN, notre histoire, de mouvement laïque et solidaire.

Mais, le recours à l’éducation populaire ne saurait rester un discours incantatoire, hérité, somme toute inoffensif, aseptisé ou fossilisé, et de surcroît dépourvu de sens pour beaucoup.

Il nous faut réaffirmer son actualité en l’inscrivant à la confluence de deux modèles :

  • une éducation populaire « à la française » née dans la proximité de « l’instruction publique », visant à l’émancipation individuelle et collective, à la démocratisation culturelle par l’accès au patrimoine, à la création contemporaine, aux cultures populaires (une culture « élitaire pour tous », selon les mots d’Antoine Vitez), et par l’exercice des pratiques culturelles, civiques.
  • une éducation populaire davantage dans une logique de conscientisation par l’action collective, sociale, éducative, culturelle, politique visant l’émancipation intellectuelle et politique.

La « Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente », comme elle s’est longtemps définie, se doit d’être présente dans tous les champs de l’éducation : dans la complémentarité avec l’école (éducation formelle), les pratiques culturelles, sportives, citoyennes (éducation non formelle), et dans la reconnaissance, la valorisation des pratiques sociales dans leurs diversités (éducation informelle) ; en favorisant les apprentissages multiples, en les accompagnant, en créant les conditions de leur émergence ou en y contribuant.

Elle doit aussi participer au développement du débat public, condition de la vie citoyenne et démocratique.

Ceci dans tous les temps de notre vie associative, dans les échanges, dans les actes.

S’il y a mille et une raisons de désespérer, il y a aussi des raisons d’espérer à condition de… cesser d’être dans le discours de la nostalgie ou de la déploration. Il nous faut aussi apprendre à identifier, à voir, à valoriser, à développer ce qui s’invente hors de nos codes habituels, de nos catégories de pensées, dans des pratiques innovantes, des effervescences… qui concourent à l’éducation populaire

S’affirmer en acte comme un acteur de la transformation politique et sociale

Nous nous sommes toujours revendiqués comme acteurs du débat public, porteurs des principes de solidarité, d’égalité, de démocratisation, d’émancipation… Cela constitue encore le corps de notre discours, sa rhétorique obligée….

Mais on constate une crise de confiance dans les institutions… Nous ne sommes pas épargnés par ce mouvement. Ce qui a fonctionné et bien fonctionné s’explique par le contexte d’hier (monopole de l’école, institutions fortes, modalités verticales-descendantes du jeu politique et primat de la logique représentative, investissement militant des bénévoles et parfois des professionnels…). Cela ne fonctionne plus et ne peut plus fonctionner.

Il nous faut donc

  • mettre en avant notre projet associatif, sa spécificité, notre identité (une identité se réinventant sans cesse), en devenir « les ambassadeurs ».
  • non pas nous mettre au service de la commande publique, mais participer autant qu’il se peut à son élaboration d’une part, et d’autre part, y répondre parce qu’elle rencontre notre projet, parfois la discuter pour l’infléchir. Les dispositifs sont des outils au service de notre projet ou d’un projet plus vaste dans lequel nous nous inscrivons. « Ne nous laissons pas instrumentaliser par les dispositifs, instrumentalisons les dispositifs ! »
  • prendre en compte les nouvelles formes de socialisation et de mobilisation.
  • nous appuyer sur les opportunités de désir d’action des collectifs ou personnes rencontrées.
  • oser l’expérimentation.
  • nous inscrire partout où c’est possible dans des projets politiques partenariaux.
  • prendre part dans le débat public sous des formes plus variées, moins instituées, et plus critiques.
  • nous saisir à l’interne des débats qui traversent la société ou sur lesquels la confédération prend position.

S’inscrire au cœur des dynamiques de territoires

La lutte pour la transformation sociale et politique se joue au niveau national mais aussi local.

Nous sommes un acteur du territoire du Cher, nous sommes un acteur des territoires du Cher, dans leur hétérogénéité, avec leurs problématiques spécifiques.

Les territoires sont les lieux

  • de l’analyse et des réponses aux besoins des territoires eux-mêmes, des habitants, des citoyens,
  • de l’élaboration démocratique,
  • du projet collectif du développement territorial,
  • de la mise en cohérence de l’action publique et de la lutte contre les exclusions….

La plus-value du développement local, c’est d’être transversal, de mobiliser le social, l’économique, le culturel, le politique…, de mettre au travail l’ensemble des acteurs locaux, de favoriser le pouvoir d’agir de tous… Du même coup, c’est par le territoire que nous, fédération et services, pourrons penser la transversalité et la globalité de notre intervention et de notre projet politique. C’est par le territoire que nous nous ferons connaître, que nous nous légitimerons, que nous serons un acteur du développement territorial.

Pour cela, notre intervention peut se déployer sous des formes diversifiées : être à l’initiative de projets, s’inscrire dans d’autres projets – comme acteurs de l’éducation populaire, de l’économie sociale et solidaire, du développement local -, en nouant des partenariats multiformes et adaptés avec d’autres associations, avec des élus, avec des entreprises lorsque c’est pertinent ; en saisissant le besoin des collectivités d’être accompagnées sur nombre de sujets… Ainsi, garants de l’intérêt général du fait de certaines de nos valeurs et des combats que nous voulons mener, nous contribuerons avec nos compétences et nos principes aux dynamiques locales.

Mettre en œuvre une autre gouvernance fédérale et une nouvelle dynamique fédérative

Les formes actuelles de notre fonctionnement ont montré leurs vertus, elles montrent aussi leurs limites.

Il nous faut, tout en nous appuyant sur le meilleur de nos acquis, nous renouveler, inventer, oser expérimenter et bien sûr évaluer.

A l’interne de la fédération 18

  • sortir de « la pensée en silo » par services : l’organigramme existant est au service du projet global de la fédération. L’activité des salariés et des administrateurs prend sens dans cette perspective. Pour cela, il y a nécessité de :
    • soutenir le sentiment d’appartenance de tous à la Ligue, se situer dans ses valeurs, son histoire, son projet.
    • formaliser l’idée d’une équipe de direction (délégué général et responsables de services) pour un développement programmatique global.
  • inventer de nouvelles modalités de travail salariés-élus.
  • rechercher des formes diversifiées d’implication des administrateurs.

Avec les associations du territoire

La Ligue comme fédération est touchée par le phénomène général de désaffection des formes associatives fédératives (baisse des adhésions, réduction à une société de services).

D’où la nécessité que tous :

  • nous connaissions et prenions en compte la diversité des associations affiliées pour enrichir notre projet et créer une dynamique fédérative
  • nous cherchions à créer d’autres modes de rapports (le réseau, la mutualisation, le partenariat sur projet…) ; à être présent sur des territoires, seul ou avec les autres, en leader, en accompagnateur, en partenaire.

C’est par notre capacité à jouer cette partition que nous pourrons nous affirmer comme pôle de mutualisation, dans une société qui aujourd’hui ne peut être que « multipolaire ».